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Fin de vie. La liberté de disposer de son corps

© Maroun BADR (PhD)

Docteur en bioéthique

Research Scholar at UNESCO Chair in Bioethics and Human Rights – Rome

Associate Researcher at Facultad de Bioética Universidad Anáhuac México

14/05/2025

Introduction

« Une grande loi de liberté, celle de disposer de sa mort, à l’image de la liberté de disposer de son corps que nous avons sanctuarisée dans notre Constitution » [1]. Voici un des motifs avancés par Monsieur Olivier Falorni dans sa proposition de la loi relative à la fin de vie afin de créer un droit à l’aide à mourir (euthanasie et suicide assisté). Est-il possible de transposer le principe de la liberté de disposer de son corps et la transformer en droit de disposer de sa mort ? S’agit-il d’un principe absolu ? Afin de mieux répondre à ces questionnements, il serait judicieux de comprendre les fondements juridiques de ce principe (1) afin d’en tirer des implications éthico-juridiques dans le contexte de fin de vie (2).

1.    Les fondements

Comprendre les fondements juridiques du principe de la liberté de disposer de son corps implique de connaître la signification de la disponibilité (1) ainsi que la fragilité juridique de ce principe (2).  

1.1.  Ce qu’on entend par disponibilité

S.-M. Ferrié explique que la disponibilité du corps humain peut s’entendre de deux façons. D’un côté, il y a la disponibilité matérielle qui est la possibilité de détruire le corps ; ce que la personne elle-même peut faire. Par exemple, la personne peut recourir à des actes masochistes, elle peut se faire blesser, elle peut se suicider. En revanche, une telle possibilité ne constitue pas nécessairement un droit. Le seul critère objectif de juridicité du droit à l’autodétermination, dans la libre disposition de son propre corps, réside dans la notion de l’altérité. Celle-ci « constitue la ligne de démarcation entre un rapport de soi à soi et un rapport de soi à autrui » [2]. Autrement dit, évoquer un droit à disposer de son corps ne peut être juridique que s’il implique un autrui dans l’acte.

D’un autre côté, en impliquant un tiers, la disponibilité devient juridique. Il s’agit ainsi d’une autorisation accordée pour attenter à l’intégrité corporelle en y donnant la possibilité de « passer un acte juridique visant la destruction partielle – voire totale – de son corps » [3]. Une telle autorisation est encadrée, particulièrement dans le monde biomédical, à travers des dérogations législatives permettant à un personnel de santé d’exercer un acte médical sur le corps d’autrui, généralement avec le consentement de ce dernier.

1.2.  La fragilité juridique

Néanmoins, cette liberté de disposer de son corps n’est pas consacrée explicitement dans les textes juridiques. Certains juristes comme S.-M. Ferrié [4], X. Bioy [5] et D. Lochak affirment que ce principe « se déduit au mieux du principe très général de liberté » [6]. Si nous souhaitons être encore plus précis, X. Bioy explique la liberté corporelle se réfère à la liberté individuelle. Celle-ci est reconnue comme principe constitutionnel [7] découlant des art. 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (DDHC )qui préconise que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. » En outre, elle peut aussi se référer à l’art. 3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme [8] (DUDH) qui précise que « tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. »

D’autres [9] voient que cette liberté de disposer de son corps découle du principe de l’autonomie personnelle consacré par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) dans l’arrêt Pretty c. Royaume-Uni [10] et l’arrêt K.A. et A.D. c. Belgique [11], mais aussi elle peut découler [12] de l’art. 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme (Conv. EDH). Néanmoins, ce principe connaît des limites à son exercice relevant ainsi des implications éthico-juridiques.

2.    Les limites

La liberté de disposition de son corps connaît quatre limites principales dans son exercice : l’obligation morale (2.1), l’implication d’un tiers (2.2), la question du corps comme propriété (2.3) et le principe de l’indisponibilité du corps humain (2.4).

2.1.  L’obligation morale

Dans la pratique de la liberté de disposition de son corps, l’obligation morale envers soi-même peut y mettre frein. Or, celle-ci n’a pas de caractère juridique [13], c’est-à-dire ne constitue pas une loi contraignante, mais relève de l’intimité. Dans ce sens, une personne qui se suicide pourrait ne pas considérer cet acte comme étant un acte qui va à l’encontre de la morale. C’est dans ce sens qu’on peut comprendre la dépénalisation du suicide (depuis le Code pénal de 1791) laquelle repose sur l’art. 4 de la DDHC qui stipule ce qui suit : « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. »

2.2.  L’implication d’un tiers

Si l’obligation morale n’est pas juridique pour soi-même, il n’en est pas pour autant quand il s’agit de l’implication d’un tiers. En effet, l’autodétermination dans la libre disposition du corps, même dans le fait de se donner la mort, est acceptable dès lors qu’elle « ne fait pas appel à autrui » [14] et ce pour deux raisons principales, particulièrement dans le cadre de l’aide à mourir : le fondement de l’acte médical (2.2.1) et la liberté de conscience (2.2.2).

2.2.1.     L’acte médical

L’acte médical, y compris celui en fin de vie, est régit par un ensemble de règles et des principes déontologiques, parmi lesquels celui qui est précisé par l’art. R. 4217-38 du Code de la santé publique (CSP). Cet article précise clairement que « le médecin doit accompagner le mourant jusqu’à ses derniers moments, assurer par des soins et mesures appropriés la qualité d’une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité [15] du malade et réconforter son entourage. Il n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort. »

Ce principe de ne pas provoquer délibérément la mort, autrement dit « ne pas tuer », qui répond au serment d’Hippocrate demeure le fondement même de la pratique médicale et répond clairement au principe basique de l’éthique médicale : la non-malfaisance. Donner la mort ou soigner par la mort n’est pas un soin [16].

2.2.2.     La liberté de conscience

Selon CEDH, la liberté de conscience est « l’une des assises d’une ‘société démocratique’ au sens de la Convention. Elle figure, dans sa dimension religieuse, parmi les éléments les plus essentiels de l’identité des croyants et de leur conception de la vie, mais elle est aussi un bien précieux pour les athées, les agnostiques, les sceptiques ou les indifférents. Il y va du pluralisme – chèrement conquis au cours des siècles – consubstantiel à pareille société » [17]

En France, la liberté de conscience découle de l’art. 10 de la DDHC laquelle fait partie du bloc constitutionnel [18]. Autrement dit, elle est un principe à valeur constitutionnelle. Elle implique la capacité de pouvoir agir selon sa propre conscience (dimension positive) et de ne pas être contrait à agir contre sa propre conscience (dimension négative). La liberté de conscience est un droit qui peut limiter l’exercice de la liberté de disposer de son corps. Dans le contexte des questions liées à l’aide à mourir, cette liberté de conscience concerne tout individu (a) et particulièrement les professionnels de santé (b).

a) Tout individu

S’agissant de l’euthanasie et du suicide assisté, cette liberté de conscience peut limiter l’exercice de la liberté de disposer de son corps de deux manières. D’une part, il s’agit de porter assistance à une personne en danger. En effet, une personne qui réclame le droit de mourir au nom de la libre disposition du corps peut être considérée en danger puisqu’elle souhaite se tuer de manière imminente [19]. Or, il est bien reconnu que la non-assistance à personne en danger est un délit [20] (Code pénal, art. 223-6). Le fait de pouvoir dissuader cette personne de recourir à cet acte. À noter que même un médecin est tenu d’apporter une assistance à une personne en danger tel que précisé par l’art. R. 4127-9 : « tout médecin qui se trouve en présence d’un malade ou d’un blessé en péril ou, informé qu’un malade ou un blessé est en péril, doit lui porter assistance ou s’assurer qu’il reçoit les soins nécessaires. »

D’autre part, la liberté de conscience implique le droit de s’opposer à une loi qui va l’encontre de la conscience mais aussi qui transgresse un principe universel (ne pas tuer). Il s’agit de la liberté d’expression [21].

b) Les professionnels de santé

Dans le domaine biomédical, la liberté de conscience qui peut limiter l’exercice de la liberté de disposer de son corps se concrétise par le droit à l’objection de conscience consacrée comme un droit fondamental [22]. Il s’agit d’un devoir de ne pas obéir à un ordre, non pas en raison de sa légalité par rapport à la validité de la loi (droit positif), mais en raison de sa légitimité par rapport à la question du bien et du mal que la conscience discerne (droit naturel). Ce fait est consacré par la Déclaration de Genève qui affirme que le médecin a le devoir d’exercer sa « profession avec conscience et dignité, dans le respect des bonnes pratiques médicales » [23].

En terme juridique, l’objection de conscience est exprimée par la clause de conscience qui, en France, est double. D’une part, il y a la clause de conscience générale encadrée par l’art. R. 4172-47 du CSP qui préconise que « hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. » D’autre part, il y a la clause de conscience spécifique qui concerne la stérilisation contraceptive, la recherche sur l’embryon [24] et l’IVG [25]. Une clause de conscience spécifique a été créée dans l’art. 14 de la proposition de loi relative au « prétendu » [26] droit à mourir.

2.3.  Le corps comme propriété

Si la disposition du corps peut être considéré comme « un acte ayant des conséquences graves sur le patrimoine » (en l’occurrence le corps), un acte qui « engage l’avenir » [27] (en l’occurrence la mort), la question se pose s’il est possible de considérer le corps comme un propriété pour en disposer librement sans aucune limite. En effet, le droit de disposition est une prérogative du droit de propriété. Or, traiter le corps comme une propriété peut avoir trois sens regroupés en deux catégories [28] : d’une part l’exclusion d’autrui et l’usus (2.3.1) et d’autre part, la distanciation (2.3.2).

2.3.1.     L’exclusion d’autrui et l’usus

Le droit de propriété implique le principe de l’exclusion [29] d’autrui puisque seul le propriétaire a le droit de se réserver les utilités de son corps. C’est dans ce sillage qu’on peut comprendre ce que statue le Code civil (C. civ.) dans les art. art. 16-1, al. 3 (non-patrimonialité du corps humain) et 16-3 (ne pas porter atteinte au corps humain). En outre, en ayant cette tendance [30] à qualifier le corps humain d’une propriété (mon corps m’appartient), on peut favoriser l’appropriation du corps à travers l’usus, jouir de son corps comme la personne l’entend, mais aussi à travers l’abusus « matériel », disposer de son corps [31]. À noter que, dans le droit français, il y a cette tendance à considérer que « le corps est la personne elle-même dans sa matérialité [32].

Si on suit cette interprétation, il est possible de favoriser l’idée qui prône la libre disposition de son corps en demandant l’euthanasie ou le suicide assisté. Cependant, une telle vision n’est réductrice et présente un paradoxe méta-ontologique à ne pas négliger. En effet, l’être humain n’est pas que « son » corps et le corps ne peut pas épuiser « la totalité » [33] de l’être humain. Si c’est le cas, on tombe dans le monisme anthropologique selon lequel seul la volonté individuelle devient la norme à travers le processus de subjectivisation. Celle-ci « est le procédé d’appropriation et de domination de la réalité par l’esprit » [34] à travers une libération totale de toutes les contraintes et de toutes les lois qui entravent cette liberté de disposer de son corps.

2.3.2.     La distanciation

En contrepartie, si on doit considérer le corps comme une propriété pour en disposer librement, le droit de propriété suppose une distanciation, dans l’espace, entre le sujet et l’objet. Or, une telle distanciation n’est pas possible entre la personne et son corps. En conséquence, le corps n’est pas une propriété à en disposer librement d’une façon absolue mais il est rattaché à la personne humaine de laquelle il tire une sacralité qu’il faut respecter [35]. T. Pech reformule cette idée à travers un tel raisonnement clair et net :

« a) Nul ne dispose de ‘l’humanité de l’homme’, b) La personne est l’entité juridique porteuse de cette humanité, c) Le corps est affecté à la personne et non un bien de la personne, d) Le corps est donc lui aussi porteur de cette humanité de l’homme, e) Donc, nul ne dispose librement de son corps ni du corps d’autrui » [36].

2.4.  L’indisponibilité du corps humain

La libre disposition du corps humain se heurte au principe de l’indisponibilité [37]. Celui-ci n’est pas explicite dans les jurisprudences nationales et européennes [38]. Néanmoins, trois autres principes sont à l’origine de l’indisponibilité du corps humain : l’inviolabilité (protection contre les atteintes d’un tiers, art. 16-1 du C. civ. et art. 3 de la Conv. EDH), la non-patrimonialité (refus de la commercialisation du corps, art. 16-1, al. du C. civ.) et l’intégrité (art. 16-3 du C. civ.). Ces trois principes sont rattachés intrinsèquement au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, principe à valeur constitutionnelle depuis la décision [39] du Conseil constitutionnel le 27 juillet 1994. À noter que le principe de l’indisponibilité du corps humain constitue une pierre angulaire pour contrer les libertés individuelles lesquelles pourraient soulever des dangers d’ordre moral [40].

Ce qui nous intéresse dans le cadre de l’euthanasie et du suicide assisté est le principe de l’intégrité du corps humain. En effet, disposer de son corps pour un acte médical suppose le fait de porter atteinte à ce corps. Or, une telle possibilité est strictement encadrée par deux conditions explicites dans l’art. 16-3 du C. civ. : l’intérêt thérapeutique (2.4.1) et le consentement (2.4.2).

2.4.1.     L’intérêt thérapeutique

« Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui » (C. civ., art. 16-3). Se disposer de son corps en laissant un tiers y porter atteinte repose sur une nécessité médicale ou thérapeutique.

Or, dans un état de souffrance réfractaire, « la personne qui solliciterait autrui par une demande d’euthanasie [ou de suicide assisté], n’est pas, a priori, dans un état qui nécessiterait médicalement une euthanasie [ou un suicide assisté], au sens où l’euthanasie [ou le suicide assisté] permettrait sa guérison » [41]. Ainsi, il n’y a aucune nécessité médicale ni un motif thérapeutique pour la personne d’aboutir à sa mort, sachant que la médecine a un but inverse : rechercher la survie, la guérison et le soulagement tout en maintenant la vie (bien évidemment, sans acharnement thérapeutique lequel est bien présenté dans la loi Claeys-Leonetti 2016).

2.4.2.     Le consentement

Le consentement constitue une deuxième condition pour pouvoir disposer de son corps en y permettant une atteinte. Or, pour que le consentement [42] soit valide, il doit être exempt d’erreur, de dol et de violence. La personne qui s’y engage doit être en pleine possession de ses facultés mentales et intellectuelles (C. civ., art. 1145-1150) ; ce qui engage la liberté de l’individu. Tout contrat, tout consentement ne respectant pas ces conditions est considéré comme nul. Or, est-on vraiment libre de prendre une telle décision avec consentement éclairé infaillible quand on souffre ? Friedrich Nietzche écrivit :

« L’heure de la mort de l’homme par elle-même, son attitude sur le lit d’agonie, n’entrent presque pas en ligne de compte. L’épuisement de la vie qui décline, surtout quand ce sont des vieilles gens qui meurent, l’alimentation irrégulière et insuffisante du cerveau pendant cette dernière époque, ce qu’il y a parfois de très violent dans les douleurs, la nouveauté de cet état maladif dont on n’a pas encore l’expérience, et trop fréquemment un accès de crainte, un retour à des impulsions superstitieuses, comme si la mort avait une grande importance et s’il fallait franchir des ponts d’espèce très épouvantable, tout cela ne permet pas d’utiliser la mort comme un témoignage sur le vivant » [43].

Dénégation et colère dans la maladie limitent un exercice éclairé de la liberté et la personne qui demande l’euthanasie pourrait agir sous l’emprise d’un vice du consentement régi par deux contraintes morales : 1) interne avec le sentiment d’être une charge pour son entourage sans oublier l’état psychologique qu’on peut traverser lors d’une grave maladie ; 2) externe exprimée par la pression de l’entourage familial, médical et socio-politique [44].

Il est probable que la libre disposition de son corps pour recourir à l’euthanasie ou au suicide assisté soit exprimée à travers les directives anticipées. Cependant, il ne faut pas oublier deux éléments majeurs. D’une part, l’être humain n’est pas figé dans le temps : il change, il doute, il réfléchit, il mûrit, etc. Nous sommes en métamorphose perpétuelle. Ce que nous avons voulu il y a des années, ne serait pas forcément ce que nous voudrons des années plus tard. Même dans une éventuelle agonie future, nous pouvons changer notre avis. Et si nous sommes faibles à l’exprimer, les directives anticipées ne pourront jamais être figées dans le temps et dans l’espace. D’autre part, la peur ontologique de la mort, la peur d’être seul, la peur de la souffrance, ces peurs légitimes ne peuvent constituer un critère objectif d’une libre disposition absolue de son corps.

Le consentement sans une nécessité médicale ou thérapeutique permettant le soulagement et les soins, et non pas la mort, ne peut être considéré comme motif d’une liberté de disposer de son corps.

Conclusion

Suite à notre analyse, nous pouvons tirer les deux principales conclusions suivantes :

a) La liberté de disposer de son corps ne peut pas être une liberté absolue puisqu’elle est confrontée dans son exercice à plusieurs limites, notamment lorsqu’elle engage un tiers. En conséquence, Dans ce sens, il est impossible d’évoquer ce principe d’une façon arbitraire dans les questions liées à l’euthanasie et au suicide assisté, et il est impossible qu’elle soit considérée comme un droit à mourir.

b) La liberté de disposer de son corps n’est pas un droit opposable. Celui-ci est une notion juridique qui signifie que « le droit qui a été reconnu au citoyen peut être ‘opposé’ à une autorité chargée de le mettre en œuvre » [45]. Cette notion se comprend de deux manières différentes. D’un côté, le citoyen a doit avoir des moyens de recours afin que son droit soit mis effectivement en œuvre (instance de médiation ou instance juridique). D’autre part, l’autorité publique a l’obligation de résultat. Autrement dit, la personne ne peut « exiger une action positive de l’État autre que la protection de cette liberté contre les tiers » [46] mais tout en respectant les droits fondamentaux de ces tiers.

Légaliser l’euthanasie et le suicide assisté, c’est porter atteinte à la nature même de l’acte médical et de sa finalité ainsi qu’aux droits fondamentaux. Le droit, comme ensemble de règles, ne peut pas se fonder sur la subjectivité de la liberté mais doit garantir l’exercice de cette dernière dans l’objectivité scientifique et anthropologiques sans porter atteinte à l’interdit universelle : ne pas tuer.

                                                                                               

[1] O. Falorni, « Proposition de loi no 1100 relative à la fin de vie », 2025, in https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/textes/l17b1100_proposition-loi [18-4-2025].

[2] S.-M. Ferrié, Le droit à l’autodétermination de la personne humaine: Essai en faveur du renouvellement des pouvoirs de la personne sur son corps, IRJS, Paris 2018, 168.

[3] Ibid., 48.

[4] Ibid., 74‑83.

[5] X. Bioy, Le concept de personne humaine en droit public. Recherche sur le sujet des droits fondamentaux, Dalloz, Paris 2003, 494‑499.

[6] D. Lochak, « La liberté sexuelle, une liberté (pas) comme les autres ? », in La Liberté sexuelle, PUF 2005, 7‑37, in https://hal.parisnanterre.fr/hal-01762202 [15-7-2023], 9.

[7] X. Bioy, Le concept de personne humaine en droit public…, 509.

[8] Organisation des Nations Unies. ONU, « Déclaration universelle des droits de l’homme », 1948.

[9] D. Smeyers, Le droit de disposer de son corps dans la Convention européenne des droits de l’homme, Université Catholique de Louvaine, Louvain 2015, in https://dial.uclouvain.be/memoire/ucl/en/object/thesis:3420/datastream/PDF_01/view [14-5-2025], 23‑24.

[10] CEDH, « Pretty c. Royaume-Uni, n° 2346/02, 29 avril 2002 ».

[11] CEDH, « K.A. et A.D. c. Belgique, n° 42758/98 et 45558/99, 17 février 2005 ».

[12] E. Lagarde, Le principe d’autonomie personnelle. Etude sur la disposition corporelle en droit européen., Université de Pau et des pays de l’Adour, Pau 2012, in https://theses.fr/2012PAUU2003 [14-5-2025], 54; S. Etoa, « Corps humain et liberté », Cahiers de la recherche sur les droits fondamentaux 15 (2017), 19‑26, in https://journals.openedition.org/crdf/543 [14-5-2025].

[13] S.-M. Ferrié, Le droit à l’autodétermination de la personne humaine…, 184.

[14] Ibid., 47, 61.

[15] Sur la question de la dignité, voir : M. Badr, « Fin de vie. De la dignité existentielle à la dignité ontologique », 2025, in https://marounbadr.fr/fin-de-vie-de-la-dignite-existentielle-a-la-dignite-ontologique/ [24-4-2025].

[16] C. Fourcade, « Donner la mort n’est pas un soin », Innovations & Thérapeutiques en Oncologie 9/5 (2023), 229‑230, in https://www.jle.com/fr/revues/ito/e-docs/donner_la_mort_nest_pas_un_soin_332870/article.phtml?tab=citer [14-5-2025]; E. Hirsch, « Emmanuel Hirsch : « Soigner par la mort n’est pas un soin » », 2024, in https://www.lavie.fr/actualite/societe/emmanuel-hirsch-soigner-par-la-mort-nest-pas-un-soin-93500.php [14-5-2025]; M. De Hennezel, « La loi sur l’aide à mourir n’est ni juste, ni équilibrée, ni fraternelle », 2025, Le Figaro, in https://www.lefigaro.fr/vox/societe/marie-de-hennezel-la-loi-sur-l-aide-a-mourir-n-est-ni-juste-ni-equilibree-ni-fraternelle-20250509 [14-5-2025].

[17] CEDH, « Kokkinakis c. Grèce, n° 14307/88, 25 mai 1993 », § 31.

[18] Le bloc constitutionnel est l’ensemble de la Constitution française formée de quatre textes principaux : a) l’intégralité de la Constitution du 4 octobre 1958 y compris son préambule, b) la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 (par décision du Conseil constitutionnel n° 71-44 DC du 16 juillet 1971), c) le Préambule de la Constitution de 1946 (par décision du Conseil constitutionnel n° 81-132 DC du 16 janvier 1982) et d) la Charte de l’environnement de 2004 (par décision du Conseil constitutionnel n° 2005-205 du 1 mars 2005).

[19] Comité éthique et cancer, « Cadre légal de la fin de vie et demandes d’aide active à mourir. Avis et recommandations. Avis n° 42 », 5 janvier 2023, 21, in https://www.ethique-cancer.fr/sites/www.ethique-cancer.fr/files/file_fields/2023/01/17/cec-2023-avis42-adopte_0.pdf [14-5-2025], 7.

[20] L’art. 223-6 du Code pénal précise ce qui suit :

« Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne s’abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende.
Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours.
Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100.000 euros d’amende lorsque le crime ou le délit contre l’intégrité corporelle de la personne mentionnée au premier alinéa est commis sur un mineur de quinze ans ou lorsque la personne en péril mentionnée au deuxième alinéa est un mineur de quinze ans. »

[21] À noter qu’avec la proposition de loi sur l’aide à mourir, l’art. 17 porte atteinte gravement à cette liberté de conscience d’apporter une aide en dissuadant une personne de recourir à l’euthanasie ou au suicide assisté mais aussi de s’exprimer librement sur ce sujet.

[22] Organisation des Nations Unies. ONU, « Pacte international relatif aux droits civils et politiques », 1966 art. 18; Comité des droits de l’homme. CDH, « Observation générale n° 22 sur l’article 18 (Droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, concernant le droit à la vie », Organisation des Nations Unies, Strasbourg 27 septembre 1993, 5, in https://www.right-to-education.org/node/580 [21-2-2023], § 11; CEDH – Conseil de l’Europe, Convention de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme) – 1950 art. 10; CEDH, « Bayatyan c. Arménie, n° 23459/03, 7 juillet 2011 »; Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe. APCE, « Résolution 1763 (2010) – Le droit à l’objection de conscience dans le cadre des soins médicaux légaux », 2010, in https://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-FR.asp?fileid=17909&lang=FR [4-3-2023], § 52, 108; Assemblée nationale, « Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 », 1789 art. 10.

[23] Association Médicale Mondiale. AMM, « Déclaration de Genève », 1948, in https://www.wma.net/fr/policies-post/declaration-de-geneve/ [4-3-2023].

[24] La clause de conscience concernant la stérilisation à visée contraceptive (art. L. 2123-1 du CSP) est consacrée par la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001, et insérée dans le CSP dans l’art. L. 2123-1 du CSP. Celle qui concerne la recherche sur l’embryon (art. L. 2151-7-1 du CSP) est, consacrée par la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011.

« Loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception (1). JORF n°0156 du 7 juillet 2001 »; « Loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique (1). JORF n°0157 du 8 juillet 2011 ».

[25] L’art. L. 2212-8 du CSP précise ce qui suit :

« Un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de la grossesse mais il doit informer, au plus tard lors de la première visite, l’intéressée de son refus. Il est tenu de se conformer aux obligations mentionnées aux articles L. 2212-3 et L. 2212-5. 
Aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu’il soit, n’est tenu de concourir à une interruption de grossesse.
Un établissement de santé privé peut refuser que des interruptions volontaires de grossesse soient pratiquées dans ses locaux. »

[26] À la question de savoir s’il y a un droit à mourir, voir M. Badr, « Fin de vie. Le droit à mourir », 2025, in https://marounbadr.fr/fin-de-vie-le-droit-a-mourir/ [24-4-2025].

[27] S.-M. Ferrié, Le droit à l’autodétermination de la personne humaine…, 80.

[28] Cette partie est une reprise d’un long exposé sur ce sujet dans ma thèse.
M. Badr, L’autonomie de la femme entre liberté personnelle et santé publique. Application sur l’avortement et la contraception, et enjeux bioéthiques dans le contexte français des Objectifs de Développement Durable, Ateneo Pontificio Regina Apostolorum, Rome 2024.

[29] X. Bioy, Le concept de personne humaine en droit public…, 347‑350; S.-M. Ferrié, Le droit à l’autodétermination de la personne humaine…, 76.

[30] X. Bioy, Le concept de personne humaine en droit public…, 347‑350.

[31] C. Neirinck, « Le corps humain », in D. Tomasin (ed.), Qu’en est-il de la propriété ? : L’appropriation en débat, Travaux de l’IFR, Presses de l’Université Toulouse Capitole, Toulouse 2006, 117‑127, in https://books.openedition.org/putc/1742 [21-6-2023].

[32] F. Kernaleguen, « Le principe de non-patrimonialité du corps humain à l’épreuve de la réalité », in La non-patrimonialité du corps humain : du principe à la réalité. Panorama international, Droit, Bioéthique et Société 17, Bruylant, Bruxelles 20171ère, 85‑99, 87.

[33] E. Sgreccia, Manuel de bioéthique, Volume 2 : Aspects médicaux sociaux, Mame, Paris 2012, 118.

[34] G. Puppinck, Les droits de l’homme dénaturé, Le Cerf, Paris 2018, 95.

[35] X. Bioy, Le concept de personne humaine en droit public…, 352; S.-M. Ferrié, Le droit à l’autodétermination de la personne humaine…, 58‑59.

[36] T. Pech, « La dignité humaine. Du droit à l’éthique de la relation », Éthique publique 3/2 (2001), in https://journals.openedition.org/ethiquepublique/2526 [17-7-2023].

[37] Cette partie est une reprise d’un long exposé sur ce sujet dans ma thèse.
M. Badr, L’autonomie de la femme entre liberté personnelle et santé publique…

[38] X. Bioy, Le concept de personne humaine en droit public…, 699‑702; S.-M. Ferrié, Le droit à l’autodétermination de la personne humaine…, 55‑56.

[39] Cons. const., « Décision n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994. Loi relative au respect du corps humain et loi relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal. JORF du 29 juillet 1994 ».

[40] Cet argument a été présenté par la CEDH dans des affaires concernant la pratique du sadomasochisme et le lancer de nain comme attraction de spectacle.

Voir respectivement CEDH, « Laskey et autres c. Royaume-Uni, n° 21627/93; 21628/93; 21974/93, 19 février 1997 », § 31; CE, ass., « 27 octobre 1995, n° 136727, Publié au recueil Lebon ».

[41] L. Degoy, Essai sur la notion de nécessité médicale, Université de Toulouse, Toulouse 2013, in http://www.theses.fr/2013TOU10015 [14-5-2025], 387.

[42] Cette partie est la traduction de l’Anglais de l’article suivant :
M. Badr, « The bioethical dilemmas of legalizing ‘active aid in dying’ in France », Medicina y Ética 35/4 (2024), 1077‑1097, in https://revistas.anahuac.mx/index.php/bioetica/article/view/2568 [1-10-2024], 1085‑1086.

[43] F. Nietzsche, Le voyageur et son ombre ; Opinions et sentences mêlées : (Humain, trop humain, 2e partie), Société du Mercure de France, Paris 19022ème, in https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5533615g [14-5-2025], 57.

[44] J. Keown, Euthanasia, Ethics and Public Policy: An Argument Against Legalisation, Cambridge University Press, Cambridge 20182d edition, 54‑55.

[45] Haut Comité pour le Droit au Logement, « Un droit opposable, qu’est-ce que c’est ? », Mise à jour le 2023-06-05, Haut Comité pour le Droit au Logement, in https://www.hclpd.gouv.fr/un-droit-opposable-qu-est-ce-que-c-est-a32.html [5-3-2024].

[46] X. Bioy, Le concept de personne humaine en droit public…, 496.

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