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L’enfant à naître, victime de sa propre existence ?

Il nascituro, vittima della sua stessa esistenza?

© Maroun BADR

Bioéthicien et chercheur

15/02/2024

Avec les progrès scientifiques depuis la deuxième moitié du siècle dernier, le statut de l’enfant à naître constitue un point crucial dans les débats bioéthiques. Fragile, sans pouvoir de se défendre, sans voix pour s’exprimer, l’enfant à naître est menacé par un triple désir.

a) Le désir de l’enfant

S’il est légitime pour un couple hétérosexuel de désirer un enfant dans le cadre de leur mariage, comme fruit de leur amour, ce désir s’amplifie chez un couple souffrant de ne pas pouvoir concevoir. Les techniques de la procréation médicalement assistée (PMA) viennent en aide pour pallier à ce manque. Dans ce contexte, il est bon à noter que seule est tolérée l’Insémination Artificielle avec Conjoint (IAC), à condition qu’elle ne remplace pas l’acte conjugal mais qu’elle en soit une aide technique afin de permettre « au sperme éjaculé dans le cadre et au moment d’un acte conjugal de s’unir à l’ovocyte[1]. » Nonobstant, l’enfant à naître devient victime de ce désir quand la revendication de la parentalité prend place chez des personnes qui ne peuvent pas légitimement concevoir : couples de même sexe, femme seule ou homme seul. Il est victime puisqu’il est considéré, par ceux qui le désirent, comme un objet de désir, comme un droit, comme une « propriété » régie par un rapport de production-satisfaction.

b) L’enfant du désir

Avec l’aide des techniques de la procréation, du diagnostic prénatal ou préimplantatoire, on peut passer du désir de l’enfant à tout prix à l’enfant fabriqué selon le désir de ses « parents » : un enfant de désir. L’enfant à naître est doublement victime. D’une part, il y a le paradoxe de l’élimination des enfants non désirés si l’enfant à naître ne possède pas les qualités requises ou s’il est atteint d’un défaut de qualité, comme la trisomie 21 (syndrome de Down), auquel cas il est éliminé ; c’est-à-dire que l’enfant doit être porteur d’une qualité, parfois lourde, choisie par ses « géniteurs » (un couple de femmes américaines souhaitant avoir un enfant sourd comme elles[2]). D’autre part, l’enfant de désir est parfois désiré non pas pour lui-même mais comme un instrument : Un « bébé-médicament » serait un enfant conçu in vitro afin d’être compatible avec un frère/sœur dans le but de fournir à son frère/sœur malade des produits ou des éléments de son corps. Ainsi, cet enfant à naître est victime de son excellent état de santé.

c) Le désir du non-désir de l’enfant

Conçu à un moment jugé inopportun, conçu « accidentellement » parce qu’il s’agissait d’une relation occasionnelle, conçu sans qu’on le veuille, l’enfant à naître est une victime du désir du non-désir. La raison en est : il constitue une menace puisqu’il perturbe la vie de ceux qui ne souhaitent pas sa présence. En conséquence, au nom d’une certaine liberté et d’une certaine autonomie, L’avortement est perçu comme la solution pour satisfaire ce désir de ne pas permettre à l’enfant à naître de poursuivre l’aventure gestationnelle et de voir la lumière de la vie.

Ces trois désirs agissent comme si l’enfant à naître était victime de sa propre existence, malgré son appartenance à l’espèce humaine et sa dignité ontologique. C’est pourquoi il est important de mener une réflexion bioéthique approfondie en relation avec toutes ces questions, afin d’être la voix de celui qui n’a pas de voix : l’enfant à naître.

                                                 

[1] E. Sgreccia, Manuel de bioéthique, Volume 1 : Les fondements et l’éthique biomédicale, Mame – Edifa, Paris 2004, 534.

[2] D. Teather, «Lesbian couple have deaf baby by choice», The Guardian (2002), in https://www.theguardian.com/world/2002/apr/08/davidteather [29-4-2022].

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